CAMEROUN: CRIME CONTRE LE BON SENS

Quand humilité et humanité ne riment pas ensemble, tout devient humiliation !

Nous sommes entre les murs d’une époque, titre annoncé par Arnaud BAKELAK, entourés de grands yeux tout à fait formés dans le contrôle systématique des « mouvements d’humeur » et des « courants de rumeurs ».  Très proches de ces yeux robotisés, on peut voir de gros bras surentraînés dans le massacre des vies et l’anéantissement des libertés. Et si vous me posez la question, celle de savoir à quel siècle se déroule ce film très célèbre, je vous brandirai le calendrier de 2017, année baptisé comme les précédentes, « an de grâce ».
            Ne me demandez donc pas où a lieu le tournage de ce « fameux » film. C’est bien dans « notre pays ». Ce cher « pays » vendu aux enchères de la honte, tirant sa réputation de ceci qu’on y fait de la norme un écart, et de l’écart une norme. 
              Dans cette partie de l’Afrique centrale, les principes relationnels entre riches et pauvres exigent non pas d’user de la force des arguments, mais de laisser libre cours à chaque occasion aux arguments de la force, qui généralement sont déployés au détriment des «du bas-peuple».
            Chez nous, rien n’est normal, sauf la contre-norme. C’est à ce titre que la morale a foutu le camp en cédant sa place à la mauvaise foi et à l’incivisme. Si vous êtes en visite chez nous, ne vous étonnez surtout pas de ce que vous verrez et entendrez dans nos rues. Ici, en pleine capitale, quelques hommes bien sapés se soulagent sur le gazon d’un jardin public ; là, pas très loin, un conducteur de taxi arrose d'insultes une digne femme qui lui a demandé de serrer à droite au moment de transporter son client ; plus loin, un homme vêtu d'une veste menace un commerçant ambulant d'emprisonnement directe parce que la tomate de ce dernier s'est accidentellement déversée sur le capot de sa Mercédès Compressor. Et ce n’est pas tout.
            Chez nous, l’argent et le pouvoir sont les gages d’une vie certaine, même si ces derniers représentent véritablement des armes d’anéantissement de certaines vies. La preuve, regardez-les passer dans ces coins convoités de la place ! Restaurants, snack-bars, hôtels, etc. Ils ont l’air rassurés, la mort n’existe pas pour eux. A un bonjour occasionnel à eux adressé, ces gens vous envoient un regard de réduction et de suspicion. Ils sont au téléphone avec un ton d’autorité, même quand il s’agit de demander simplement au mécanicien quand la réparation du véhicule sera achevée. Pour ces gens-là, Dieu n’existe pas, et ne leur demandez surtout pas de se repentir de leurs fautes. Ils vous diront que la faute vous revient pour être né « pauvre ».
            Chez nous, soyez malade et rendez-vous dans un hôpital public. Hum, si vous êtes piéton du genre apparence douteuse, tenue vestimentaire quelconque, mine de désespoir, l’ignorance et le dédain seront votre plat d’entrée. Bien plus, si vous venez à mettre au monde un bébé dans un de ces centres hospitaliers, la probabilité du vol de votre enfant et celle de votre mort ou de la sienne n’est pas à négliger. Dans ces lieux-là, l’accouchement par césarienne peut vous être imposé pour des raisons secrètement pécuniaires.
            Je disais donc que chez nous, ce qui est admis c’est l’anti-norme. Aucun service n’est dû aux usagers, excepté le service du mépris et de l’arrogance à leur endroit. Dans les ministères, personne ne vous dira exactement la démarche sûre à suivre pour faire aboutir un dossier de rappel, de prise en charge ou d’avancement. Tout le monde le sait curieusement, que pour tel service ou tel autre mérité, il faut céder tel pourcentage de votre « net à percevoir ». Ici, Tout est opaque, tout est flou selon l’expression saisie de tous. Je tiens à le dire, en fait, la situation est même très grave !
            Chez nous, certains hommes d'églises sont en « mission spéciale » ! Ces gars s’acharnent avec instinct de chasseurs sur les adolescents qu’ils sodomisent diaboliquement et avec frénésie. N’essayez pas de les dénoncer. Non ! Surtout pas. Ce sont les partenaires des institutions et des hommes « exceptionnellement puissants». C’est pour ainsi dire qu’ils sont forts et intouchables au sens propre et au sens figuré.
Chez nous, le citoyen est la chose qui peut soucier le moins le gouvernement. On ne vaut rien quand on est de cette fameuse nationalité. On peut mieux accorder du respect à un chien d’enclos qu’à un futile être originaire de cette terre. Ici, l’expatrié passe avant le citoyen. Déposez une plainte dans un commissariat contre un expatrié, vous verrez sans étonnement que le gars aura très vite gain de cause, car dit-on, « nous sommes un peuple de paix ».
Chez nous, les soldats et les policiers n’ont pas le devoir de protéger la masse, leur rôle c’est d’attendre le moindre soulèvement et d’obéir aux ordres qui supposent généralement une bastonnade légendaire, une arrestation immédiate ou un effacement réel. Et cela n’inquiète personne, cela ne fait de mal à personne ! 
Sommes-nous donc  juste des créatures ayant échoué dans l’aire de l’humanité sans pour autant en faire partie ? N’est-ce pas à ce moment que la question de la dignité humaine devrait surgir dans nos consciences ? Ce pays médite-t-il encore sur son nom de nation? Avons-nous tous la même conception de notre pays? sommes-nous réellement tous des patriotes? Que de questions traumatisantes qui se bousculent dans les cervelles encore vivantes. La conscience positive de notre histoire est-elle simplement un leurre?
L’humanité dans notre pays a pris des distances vis-à-vis de l’humilité. Nous sommes humains visiblement, mais  à s’en tenir à nos habitudes, la société des moutons est à envier à la nôtre. Vivement que nous sortions de notre torpeur!
                
       Arnaud BAKELAK, Peuple sans carnet, 2017.


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