Je suis camerounais, où est le problème?

La
notion de vivre-ensemble ne m’est pas étrangère
La
fameuse notion de vivre-ensemble ne m’est donc pas étrangère. En effet, j’en suis
convaincu, cela n’est pas une nouveauté pour le plus grand nombre des
camerounais. Je me souviens que lorsque je me déplaçais d’un lieu à un autre,
dans la petite localité où j’ai grandi, on ne me demandait pas le nom de ma
tribu ou de mon village avant de me servir à manger ou pour m’accorder l’hospitalité.
Je me souviens également que j’ai eu beaucoup de "mamans" en plus de celle qui m’a
mis au monde: des mamans toutes spéciales qui étaient présentes et disponibles
quand ma mère était absente ou souffrante. Je me souviens que les plus grandes
leçons de générosité, je les ai apprises chez des gens qui ne sont pas de ma
tribu.
Aujourd’hui, quand je me réveille et que j’entends
parler des Bamilékés, des Bafout, des Bali, des Bakwéré, des Bakossi, des
Bagnangué ou des Bamouns en terme d'exclusion, je me sens blessé et offensé
dans mon être. Je me sens insulté dans ce qui fait mon identité. Oui, ce que je
suis aujourd’hui est la somme de tout ce que les tribus autres que la mienne m’ont
offert. J’ai honte de ces gros cerveaux d’intellectuels qui n’arrivent pas à
retenir une fois pour toute que nous sommes des frères et des sœurs qui ont les
mêmes origines, les mêmes problèmes, les mêmes besoins existentiels. Chacune de nos ethnies cherche certes à s'affirmer, mais ce n'est guère la théorie ou la stratégie de l'exclusion, du dénigrement ou de l'élimination qui portera le Cameroun au rang des pays puissants.

-Avez-vous déjà subi une transfusion sanguine ?
-Vous a-t-on demandé avant de donner votre sang de
quelle tribu vous êtes ?
-Si vous avez subi une ou plusieurs transfusions
sanguines, savez vous de quel village ou de quelle ethnie est issu celui dont le
sang coule dans vos veines et grâce à qui vous êtes en vie ?
Et à cette question, moi je réponds en disant « Non ! »
Le
danger c’est notre bouche qui crache des venins, des paroles de malédiction et
de condamnation
Il n’existe pas de groupe sanguin bamiléké, banen,
ewondo ou massa. Il n’existe pas de rhésus éton, mbouda, malimba ou maka. Il n’y
a pas d’ADN bafia, bamoun, yambassa ou toupouri. Alors, je n’insulterai aucune
personne en raison de sa tribu. Un point, un trait. Et c’est aussi simple que
cela. Les éwondo aiment à être en joie et boire du bon vin, les douala aiment bien
paraître et visiter des lieux sympa, les bamiléké aiment le sens du sacrifice et
du bénéfice, les éton aiment les valeurs et la discrétion, les banen aiment les
études et l'indépendance, les bassa aiment la danse et la bonne cuisine… Et où est
le problème ?
Vous avez insulté une tribu, un peuple ou une culture
qui sans doute vous a sauvé un jour la vie en vous
adoptant, en vous nourrissant, en vous éduquant, en vous offrant un époux, une épouse, en vous
donnant du sang…
Vous avez insulté un peuple qui vous a appris à être
vrai, à épargner, à investir, à prévenir, à être
humble et patient…
Vous avez offensé un homme, une femme, un enfant qui
demain sera peut-être votre médecin, votre conseiller, votre modèle, votre
partenaire, votre guide spirituel, votre époux ou votre épouse, votre confident, votre fille ou
votre fidèle fils…
Il ne se fait pas tard, être humble et reconnaître les
valeurs des uns et des autres est un signe de grandeur et de maturité. Chaque
fois que je me retrouverai hors de mon pays, autant que nombreux d’entre vous,
je n’aurai pas besoin de dire aux étrangers que je suis de telle ou de telle
autre tribu. Je leur dirai avec toute la fierté de mon être que je suis « camerounais ».
La différence et la diversité de mon point de vue n’ont
rien de négatif ou de dangereux. Le danger c’est notre bouche qui crache des
venins, des paroles de malédiction et de condamnation. Antoine de Saint
Exupéry avait eu beau jeu de le dire : « Si tu diffères
de moi, loin
de me léser, tu m’enrichis ».
Je suis camerounais. Où est donc le problème?
Arnaud BAKELAK
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