Aleba Nabeb (extrait)


Aleba Nabeb espérait revoir le précieux visage de l'homme qu'elle dessina toute sa vie d'énormes rêves et de projets audacieux. Mais, sur ses légers pas d'espionne mal dressée, au craquement strident d'un emballage de biscuits, s'en suivit un violent et persistant aboiement de chien. Toute la cour tremblait. Un instant, une seconde, un stop, une peur. Et voici le souffle de la jeune orpheline qui se retint, tel celui d'une gigantesque tortue dans les pleins fonds marins. Une lumière naquit, une ampoule électrique luisît, une autre encore et encore une lumière plus vive et plus répandue [...] Le chien continuait d'aboyer, faisant vibrer du son de sa gueule, en écho dédoublé l'atmosphère de ce quartier démarqué. Puis, la voix reprit "Dick, cherche et attaque!" Elle ne s'était pas rendue compte que le chien venait d'être déchaîné, elle le sentit brusquement sur son visage, pointé d'un bon miraculeux, technique de véritable fauve. Elle voulut se relever, elle tenta de s'enfuir, mais l'animal déchirait déjà son visage, lui plantant ses crocs dans le cou et les seins...


                       Arnaud Bakélak, Entre les Murs d’une époque

La Révolution des Ndekalend (extrait)


ACTE I


Scène 1


MOUTOMBI,  KÔSS,  BOLOMO  s’entretiennent et boivent du vin de palme dans la grande cours du chef  BINDEKI. BOLOMO, neveu du chef, est de retour au village depuis quelques mois, après ses longues études dans la capitale.

BOLOMO
            Raclant instantanément sa gorge et se mettant debout. Nikoul*
LES AUTRES
Tous ensemble. Ni Hikeni*
BOLOMO 
Nikoul
LES AUTRES
 Ni Hikeni
BOLOMO 
Voici un an et plus que Garo BARDO est installé dans notre village. Il a reçu tout de ce que nos pères nous ont légué. A cause de sa couleur blanche, les autorités de ce village Ndekalend ont négligé les dignes fils de ce terroir que nous sommes. J’ai fait des études assez poussées. Pour preuve, j’ai un Brevet, un Baccalauréat, une licence, et bien plus encore.  Je sais ce que valent le bois et  le sol et même le sous-sol de ce village. Dites-moi, frères, allons-nous laisser  ce BARDO aller jusqu’à posséder nos âmes ?

KÔSS 
Ah BOLOMO ! Tu n’as pas tord. Garo BANDIT (il est immédiatement  interrompu par ses frères qui réagissent en corrigeant son erreur de prononciation)

LES AUTRES 
            Non ! C’est BARDO, Garo BARDO !

KÔSS
Vous pouvez l’appeler comme vous voulez ! (déterminé à aller jusqu’au bout de sa pensée) Nos bouches que voici (indiquant ses lèvres de ses doigts), régulièrement purifiées par cette sève blanche (il brandit son gobelet plein de vin alors que les autres l’encouragent par des cris flatteurs), n’ont pas été faites pour prononcer des noms aussi magiques et pleins de mystères !  Je voulais juste ajouter quelque chose à ce que vient de dire Bolomo. Ce Blanc, hum, Bordo, (Les autres réagissent une fois de plus en rectifiant)

LES AUTRES 
            Tous ensemble. Bardo ! 

KÔSS 
            Reprenant violemment la parole.  Je disais que votre type-là m’a arraché mon champ, ma femme  Dongmo à qui il a fait les deux métis qu’il m’a abandonnés, Elol et Miôkô. Actuellement, il a même réussi à découvrir mes secrets les plus sérieux. Donc, il a ma vie entre ses mains.

LES AUTRES 
            S’exclamant. Aahhh ! 
MOUTOMBI
            Se levant avec peine du fait de son âge avancé. Nikoul !
LES AUTRES 
            Nihikeni !
MOUTOMBI 
            Avec plus de vigueur. Nikoul !
LES AUTRES 
            Plus haut. Nihikeni !

Les Pages d'une vie (extrait)



                 
Cette femme dont l’expression du visage nous conditionnait le mental, de ces un mètre quatre vingt, avait la rigueur dans le sang et  la fureur à fleur de peau. Elle était d’une exigence militaire et d’un charisme sans pareil. Lorsqu’elle était en colère,  sa voix augurait une bastonnade musclée, une correction qui frisait la torture. Ma mère était un livre d’interdictions et une machine à correction. Nous avions tous les interdits de la terre, et juste les privilèges de la nourriture et de la décence. Ses longs bras lui conféraient des capacités particulières : elle pouvait à plus d’un mètre de distance les ajuster pour administrer avec adresse et efficacité une gifle à tout destinataire de sa correction. Elle se pliait et se tordait habilement lorsque la maîtrise de sa capture était menacée par des débattements ou par quelque ultime effort de survie. Nous connaissions sa force de frappe, sa rapidité dans l’application de ses coups et la vitesse avec laquelle la douleur s’emparait de notre corps. Elle était redoutable et digne d’une éducatrice de cette époque. Après une faute commise en son absence, l’on avait l’habitude de se cacher à l’arrière de la maison, ce qui était une vaine action, puisque tôt ou tard, on était obligé de rentrer pour dormir. Cependant, derrière ce personnage terrifiant qu’était ma mère, se cachait un être de charité et de bonté, prête à offrir sa dernière goutte d’huile au visiteur. Sa générosité était connue de tous et  sa volonté à aider les autres, surtout les nécessiteux, était remarquable.