SOMO MAMBOG: Le Grand résistant Banen

L’histoire des différents souverains Banen est pleine de prouesses guerrières. Ce sont ces souverains qui, pendant la période précoloniale, se heurtèrent aux Bamoun de Nsangou. La généalogie des souverains qui régnaient chez les Ndiki se présente comme suit :Tikili,Ngoma, Balitoni, Byongol, Ibin, Somo Mambog. Ce dernier fut l’un des résistants à l’occupation allemande.

Somo Mambog, fils de Ibin,naquit en 1841, Munen des Ndiki après la mort de son père,entreprit des expéditions punitives contre les Ndikoko, les Mafé, les Ndikipambus et autres. Sa mère était originaire de Ndokononoho.
En 1901, Somo Mambog s’opposa à l’expédition de Schimmelpfennig. Sa bravoure lui poussa à s’affronter avec les soldats expéditionnaires. Etant un grand obstacle pour cette expédition, les Allemands devraient marquer 10 ans dans le territoire de Somo (1901-1911) et érigèrent un poste administratif qui porta désormais le nom de Somo. Bientôt commença la guerre psychologique d’usure caractérisée par la destruction des mentalités des guerriers de Somo.

Voici ce que nous dit la légende de l’époque sur la victoire des Allemands sur les Banen : un proverbe de chez nous dit "de se défier toujours d’un ennemi réconcilié". Les dix années de cohabitation pacifique avec le corps expéditionnaire, avaient rendu le Munen Somo très hardi qu’un jour il accepta opposer ses guerriers à une bataille rangée à ceux de l’expédition. Celle-ci consistait à aligner les soldats de chaque camp à une bonne distance face à l’autre. Les deux chefs s’accordèrent que les guerriers banen ouvrent le bal.

Ceux-ci étaient porteurs des fusils de traite qui se chargeaient par le canon à l’aide d’une baguette. Lorsqu’ils ouvrirent le feu !... ils constatèrent que leurs ennemis n’étaient pas atteints. Au tour des Allemands, au commandement feu tous les guerriers banen étaient tués. C’était la panique générale ; les principaux guerriers de Somo, à savoir : Bekemen, Bokwagne, Ihumb, Kitiek Endeka, Mésoté, Mem, Béléma et Tikabagné ayant été faits prisonniers, les guerriers banen devraient comprendre que face aux canons, ils devaient éviter une bataille rangée.

Ainsi, le chef convaincu de la puissance militaire, demanda la réconciliation à Hoffman qui conduisait les opérations militaires. Somo dut payer une rançon de neuf pointes d’ivoire. C’était en1911. A chaque fois que les Banen se rassemblent, leur mot de ralliement est Ndiki-kos qui se traduit par Ndiki-feu ou Ndiki-mort.
Le Munen Somo symbolise pour les Banen, le courage et l’unité.

L'Histoire de Manimben Tombi

Manimben yi Tombi, redoutable guerrier, ancien Munen (chef supérieur)des Banen est l’un des pères du nationalisme camerounais, à travers sa résistance contre la pénétration coloniale des Allemands dans la région de Ndikiniméki. Son courage,sa bravoure et son opiniâtreté lui ont valu d’être comparé au plus dangereux des félins le lion ; mais également ont inspiré les armoiries des Forces Armées camerounaises et ceux du patronyme « Lion indomptable du Cameroun. »

Né vers 1840 à Ndikiniméki, Manimben succéda à son père Tombi. C’est de ce dernier qu’il hérita son esprit de conquérant et de guerrier. Il entreprit des guerres punitives pour venger ce dernier qui le lui avait demandé sur son lit de mort. La succession se passa à une période de grandes mutations sociales et économiques, car coïncidant avec la pénétration de colons allemands sur le territoire camerounais.

Manimben constitua une armée aux pouvoirs mystiques et défia les troupes allemandes conduites par Hans Dominik, qui voulurent pénétrer dans sa contrée. Trois ans durant, (1906-1909) Manimben Tombi résista à la pénétration allemande. Cette farouche résistance lui valut inévitablement les inimitiés de l’administration coloniale, décidée à le mettre aux arrêts. La première version relate que Manimben ne fut vaincu que par la trahison de sa femme qui le livra pour sauver son frère enlevé par l’expédition allemande.

Nous nous contenterons de la deuxième version qui nous parait plausible ; celle de Madeleine Anakanouwe, la dernière fille de Bagneki Tombi chef du village Etoundou, frère ainé de Manimben. Elle déclare « Le chef Douala envoya un émissaire auprès de Manimben ; conseillant ce dernier de résister aux Allemands. » En fait, l’administration allemande soupçonnait les chefs Douala de chercher à soulever les chefs supérieurs de l’intérieur du pays. Son arrestation coïnciderait avec de celle de Rudolph Douala Manga Bell.

Transféré à Douala via Yabassi, Manimben donna du fils à retordre à la garde qui l’escortait et son séjour dans la prison n’était pas de tout repos pour ses geôliers. L’histoire relate qu’en cours de route on a voulu l’exécuter mais à chaque fois qu’on tirait sur lui aucune balle ne l’atteignait, il disparaissait et c’est le lion qui à sa place rugissait.

Pendant le voyage, il entreprit une grève de la faim jusqu’à son arrivée à Douala. C’est de la prison qu’il livra le secret de sa puissance indomptable, la ficelle-fétiche qui était attachée à son gros orteil du pied droit qui, une fois coupée dissipa son invulnérabilité. L’indomptable Lion-Noir succomba sous les balles des Allemands. De même les historiens pensent que c’est le 8 Aout 1914 qu’il fut exécuté avec Douala Manga Bell ; le même jour Martin Paul Samba à Ebolowa et Madona à Grand-Batanga subissaient le même sort.

Face à cette mort héroïque les Allemands le baptisèrent Le Lion Banen. Ce lion qui serait l’emblème des Forces Armées Camerounaises. Le Lion indomptable nom que porte chaque joueur des équipes sportives nationales du Cameroun. Manimben Tombi a marqué d’une empreinte indélébile son passage à la chefferie traditionnelle Banen. De nombreux observateurs s’accrochent aujourd’hui à dire de lui qu’il fut l’une des grandes figures du nationalisme camerounaise. Le saviez-vous? Il peut donc à juste titre être présenté comme un héros national.

Aleba Nabeb (extrait)


Aleba Nabeb espérait revoir le précieux visage de l'homme qu'elle dessina toute sa vie d'énormes rêves et de projets audacieux. Mais, sur ses légers pas d'espionne mal dressée, au craquement strident d'un emballage de biscuits, s'en suivit un violent et persistant aboiement de chien. Toute la cour tremblait. Un instant, une seconde, un stop, une peur. Et voici le souffle de la jeune orpheline qui se retint, tel celui d'une gigantesque tortue dans les pleins fonds marins. Une lumière naquit, une ampoule électrique luisît, une autre encore et encore une lumière plus vive et plus répandue [...] Le chien continuait d'aboyer, faisant vibrer du son de sa gueule, en écho dédoublé l'atmosphère de ce quartier démarqué. Puis, la voix reprit "Dick, cherche et attaque!" Elle ne s'était pas rendue compte que le chien venait d'être déchaîné, elle le sentit brusquement sur son visage, pointé d'un bon miraculeux, technique de véritable fauve. Elle voulut se relever, elle tenta de s'enfuir, mais l'animal déchirait déjà son visage, lui plantant ses crocs dans le cou et les seins...


                       Arnaud Bakélak, Entre les Murs d’une époque

La Révolution des Ndekalend (extrait)


ACTE I


Scène 1


MOUTOMBI,  KÔSS,  BOLOMO  s’entretiennent et boivent du vin de palme dans la grande cours du chef  BINDEKI. BOLOMO, neveu du chef, est de retour au village depuis quelques mois, après ses longues études dans la capitale.

BOLOMO
            Raclant instantanément sa gorge et se mettant debout. Nikoul*
LES AUTRES
Tous ensemble. Ni Hikeni*
BOLOMO 
Nikoul
LES AUTRES
 Ni Hikeni
BOLOMO 
Voici un an et plus que Garo BARDO est installé dans notre village. Il a reçu tout de ce que nos pères nous ont légué. A cause de sa couleur blanche, les autorités de ce village Ndekalend ont négligé les dignes fils de ce terroir que nous sommes. J’ai fait des études assez poussées. Pour preuve, j’ai un Brevet, un Baccalauréat, une licence, et bien plus encore.  Je sais ce que valent le bois et  le sol et même le sous-sol de ce village. Dites-moi, frères, allons-nous laisser  ce BARDO aller jusqu’à posséder nos âmes ?

KÔSS 
Ah BOLOMO ! Tu n’as pas tord. Garo BANDIT (il est immédiatement  interrompu par ses frères qui réagissent en corrigeant son erreur de prononciation)

LES AUTRES 
            Non ! C’est BARDO, Garo BARDO !

KÔSS
Vous pouvez l’appeler comme vous voulez ! (déterminé à aller jusqu’au bout de sa pensée) Nos bouches que voici (indiquant ses lèvres de ses doigts), régulièrement purifiées par cette sève blanche (il brandit son gobelet plein de vin alors que les autres l’encouragent par des cris flatteurs), n’ont pas été faites pour prononcer des noms aussi magiques et pleins de mystères !  Je voulais juste ajouter quelque chose à ce que vient de dire Bolomo. Ce Blanc, hum, Bordo, (Les autres réagissent une fois de plus en rectifiant)

LES AUTRES 
            Tous ensemble. Bardo ! 

KÔSS 
            Reprenant violemment la parole.  Je disais que votre type-là m’a arraché mon champ, ma femme  Dongmo à qui il a fait les deux métis qu’il m’a abandonnés, Elol et Miôkô. Actuellement, il a même réussi à découvrir mes secrets les plus sérieux. Donc, il a ma vie entre ses mains.

LES AUTRES 
            S’exclamant. Aahhh ! 
MOUTOMBI
            Se levant avec peine du fait de son âge avancé. Nikoul !
LES AUTRES 
            Nihikeni !
MOUTOMBI 
            Avec plus de vigueur. Nikoul !
LES AUTRES 
            Plus haut. Nihikeni !

Les Pages d'une vie (extrait)



                 
Cette femme dont l’expression du visage nous conditionnait le mental, de ces un mètre quatre vingt, avait la rigueur dans le sang et  la fureur à fleur de peau. Elle était d’une exigence militaire et d’un charisme sans pareil. Lorsqu’elle était en colère,  sa voix augurait une bastonnade musclée, une correction qui frisait la torture. Ma mère était un livre d’interdictions et une machine à correction. Nous avions tous les interdits de la terre, et juste les privilèges de la nourriture et de la décence. Ses longs bras lui conféraient des capacités particulières : elle pouvait à plus d’un mètre de distance les ajuster pour administrer avec adresse et efficacité une gifle à tout destinataire de sa correction. Elle se pliait et se tordait habilement lorsque la maîtrise de sa capture était menacée par des débattements ou par quelque ultime effort de survie. Nous connaissions sa force de frappe, sa rapidité dans l’application de ses coups et la vitesse avec laquelle la douleur s’emparait de notre corps. Elle était redoutable et digne d’une éducatrice de cette époque. Après une faute commise en son absence, l’on avait l’habitude de se cacher à l’arrière de la maison, ce qui était une vaine action, puisque tôt ou tard, on était obligé de rentrer pour dormir. Cependant, derrière ce personnage terrifiant qu’était ma mère, se cachait un être de charité et de bonté, prête à offrir sa dernière goutte d’huile au visiteur. Sa générosité était connue de tous et  sa volonté à aider les autres, surtout les nécessiteux, était remarquable.